vendredi 16 octobre 2015

Plans cul, agressions et médecins


Je baise occasionnellement avec des mecs cis, et ça se ne se passe généralement pas très bien. Généralement je rentre en contact en ligne, mais c'est m'est aussi arrivé d'aller au sauna et de trouver quelqu'un sur place. En ligne ça simplifie les choses pour moi, parce que j'ai plus de facilités à verbaliser ce que je cherche et mes limites. En théorie, si des gens disent quelque chose qui craint, je les envoie directement bouler, parce que je considère que c'est rédhibitoire. En pratique parfois je suis passé sur des choses que des mecs ont dites, parce que je trouve ça quelque fois compliqué de tenir ça tout le temps.

La dernière fois, j'ai été au sauna et j'ai trouvé un mec sur place. Ça s'est mal passé, parce que pendant qu'on était en train de baiser il a dit de la merde. Je me suis senti mal parce que c'est violent de se prendre de la transphobie dans la gueule, d'autant plus quand je suis à poil et que c'est un truc de ré-assignation, mais j'étais content parce que j'ai réussi à arrêter le plan, à lui dire qu'il était un connard transphobe et à me casser.

Mais je ne suis pas toujours assez fort pour me tirer, et une autre fois avant ça, avec un connard mec que j'avais rencontré en ligne, ben j'ai pas réussi. Il n'a pas voulu mettre de capote quand je lui ai demandé de le faire (il l'a fait plus tard, quand lui en a eu envie). Avant ça, il a dit « ça fait longtemps que j'ai pas baisé avec une meuf », et j'ai pas réussi à l'envoyer chier. J'étais vraiment pas bien, je n'arrivais plus à dire ou faire ce que je voulais (l'insulter et me casser). Quand c'était fini, il a dit qu'il supposait que c'était compliqué pour moi de trouver des gays pour baiser (genre "je suis trop un mec sympa, j'ai bien voulu te sauter même si t'es trans"). Après ça, quelques jours plus tard, mes parties génitales ont commencé à me gratter et j'avais beaucoup de pertes, et au bout de plusieurs jours ça s'est beaucoup empiré et ça a terminé aux urgences. 


Là, j'en viens aux médecins. Pour faire court, j'en ai vu 5 différents (deux généralistes, un médecin d'SOS médecins, une gynéco et le médecin des urgences). 

  • Un généraliste, que j'ai vu deux fois pour ce problème là, ne m'a tout simplement pas examiné. La première fois il m'a juste donné un anti-douleur, la deuxième fois, alors que je suis arrivé à son cabinet de garde en n'ayant pas dormi depuis une semaine durant laquelle j'ai chialé et manqué de tomber dans les pommes à chaque fois que je devais pisser, et donc avec la gueule tordue par la douleur et en boitant et ne pouvant pas m'assoir, il n'a pas voulu m'examiner.
  • La première généraliste que j'ai vue, qui me connaît mieux que l'autre, lorsque je l'ai rappelée 2 jours après l'avoir vue parce que la douleur m'empêchait de dormir, a refusé de me prescrire des anti-douleurs.
  • La gynéco s'est comportée correctement et a été à l'écoute.
  • Le médecin des urgences, où je me suis rendu à reculons, parce que ma dernière expérience là bas avait été un concentré de transphobie, et parce que l'idée de me faire poser une sonde urinaire dans l'état où j'étais m'effrayait au plus haut point, n'a pas écouté quand je lui ai dit que j'avais trop mal pour qu'il m'examine avant de m'avoir donné un antidouleur, alors que je tremblais, que je me tordais de douleur, et que je n'avais pas pu pisser depuis plus de 12h. Je l'ai repoussé violemment, et là il a jugé opportun de me donner de la morphine avant d'essayer de me toucher. Il a ensuite perdu le prélèvement qui était le but de la manœuvre, et n'a pas jugé utile de m'en tenir informé, ce qui fait que suite à ça, j'ai poireauté plus d'un mois pour pouvoir faire un test sanguin me permettant de savoir si le connard avec qui j'avais baisé m'avait refilé une IST qui allait revenir périodiquement jusqu'à la fin de ma vie ou pas.
Au delà de la transphobie dont ont fait preuve la majorité des médecins que j'ai vus ce mois là (illes étaient clairement mal à l'aise avec le fait que je vienne les consulter pour un problème en lien avec mes parties génitales), d'autres choses m'ont dérangé dans ce qu'ils ont dit. 3 sur 4 (l'autre ne m'a même pas posé de questions), m'a demandé si j'avais eu un rapport sexuel. Tous ont sous-entendu que c'était avec un mec (comme j'ai un vagin, ça semble être la seule possibilité qui leur a traversé l'esprit), et qu'il s'agissait d'une pénétration pénis/vagin. Certes, là c'était le cas, mais ça aurait pu être un autre type de rapport et/ou j'ai pu de pas avoir eu que ça comme pratique au cours de ce rapport, ou ça aurait pu avoir lieu avec un autre type de partenaire. 

Les trois ont dit une phrase comme « Je suppose que c'était un rapport protégé ». Je trouve que ce type de question posée comme ça ne laisse pas la place à autre chose qu'à répondre par l'affirmative, parce que dire non implique d'admettre d'avoir fait quelque chose qui va être perçu comme une connerie. Par ailleurs, par « rapport protégé », ces médecins parlaient uniquement d'utiliser une capote dans le cadre d'une pénétration. Personne ne m'a demandé si je suçais avec ou sans capote et si je me faisais sucer avec ou sans carré de latex. Personne ne s'est demandé si j'avais utilisé des objets de façon safe ou pas. Ni si la personne avec qui j'avais baisé avait changé d'orifice sans changer de capote. Et personne ne s'est demandé si j'étais consentant. Et leurs questions ne laissaient pas de place, vu l'état d'anxiété dans lequel j'étais (après une agression sexuelle et en ayant peur de la transphobie des médecins), pour expliquer clairement ce qui s'était passé. 

Je pense qu'au delà du malaise qu'ils avaient l'air de ressentir face au fait de devoir m'examiner (c'est à dire en fait de simplement faire leur taff correctement), ils n'ont pas pensé que le fait que je sois trans fait que souvent, ces mecs cis ont l'impression de ma faire une fleur en baisant avec moi, et que ça leur donne l'impression de pouvoir me traiter comme de la merde. Je suis trans et comme beaucoup d'autres trans, j'ai des problèmes d'anxiété, qui font que pour moi dire « non », que ça soit à des plans cul ou à des médecins, c'est souvent vachement compliqué, tout comme tomber sur des personnes qui acceptent d'entendre quand je dis non, ou qui laissent de la place à mes limites.

Visibilité, y'en a marre que tout tourne autour de nos corps


Je voulais réagir sur un truc qui me met mal à l'aise. Ces derniers temps j'ai beaucoup vu tourner ce montage photo d'un trans qui s'est pris en photo tous les jours pendant plusieurs années pendant sa transition médicalisée. Je ne sais pas pourquoi ces photos tournent en masse en ce moment, mais en fait ça me gonfle. Je trouve ça cool que des trans témoignent de leur transition, parce que ça peut nous aider, nous, trans pendant nos propres transitions. Par contre, quand je vois les commentaires de plein de cis sur les réseaux sociaux quand ces montages tournent, en fait ça m'énerve. Parce que ces commentaires consistent à dire combien la personne en question est « réussie » (= a l'air cis), « sexy » (et si on est trans et moche?) ou « a eu raison de transitionner » (en vrai c'est souvent « de se transformer »). Au milieu de tout ça, bien sûr, y'a une plâtrée de sacs à merde qui viennent juste se la ramener pour dire que quand même, illes comprennent pas et que c'est trop bizarre, mais j'ai même pas envie de perdre mon temps à commenter ça. Là je veux parler des gens bien intentionnés qui viennent valider les trans, et plus particulièrement leurs corps, en pensant probablement que ça leur confère une super ouverture d'esprit. En fait c'est relou. 

J'aimerais qu'on n'ait plus à être validés par des cis qui nous viennent donner leur avis sur notre cis passing. Les trans qui sont validés et que ces personnes trouvent majoritairement sexy, ce sont ceux qui ne sont pas gros, qui ont de la barbe et des poils, qui sont vus comme beaux, qui sont opérés du torse, etc. Là c'est super, on octroie à ces trans un cis passing et on se demande si ils sont célibataires (et si ils sont en couple c'est jugé « trop chou » -oui, comme des chatons) (et oui, quand ce sont des mecs trans, comme par magie y'a presque que des meufs qui se posent la question, parce que bah évidemment on est supposés hétéros, quitte à être baisables). On n'a pas besoin de savoir si vous seriez enthousiaste à l'idée de baiser avec nous pour avoir un avis sur nos transitions en fait, merci. En fait je trouve ça hallucinant, quand je vois ce qu'implique ma transition dans ma vie, qu'y'ait des gens à qui ça inspire uniquement une échelle de sexytude.

Entre ces montages et les émissions de télé, je trouve que la visibilité ça pose quand même question, parce que ça se termine toujours en gros pathos ou en truc dégueulasse exotisant qui tourne toujours autour de nos corps. J'espère qu'un jour on n'aura plus besoin de ça, se mettre en scène nos transitions pour être validés, qu'on n'aura plus autant intériorisé la transphobie qu'on pense qu'il n'y a que la partie sensationnelle de nos transitions (le côté « transformation ») qui mérite d'être traitée, et qu'on sera écoutés quand on parle d'à quoi nous confrontent nos transitions (pas uniquement médicalisées, mais aussi et surtout sociales). J'espère qu'à un moment les cis réfléchiront à comment devenir des allié-e-s, et s'intéresseront à ce que ça nous renvoie quand la seule chose qui semble intéresser la majorité d'entre elleux, c'est si on est baisable ou « réussis ».