mardi 26 février 2013

Angoisses / cis-centrisme

J'me sens pas bien. En ce moment j'arrive pas à gérer mon anxiété, et ça m'angoisse (c'est balo hein...). Je pique fais des crises d'angoisse, qui se traduisent chez moi par des tremblements incontrôlables. Ça peut m'arriver un peu tout le temps, quand je dois avoir des interactions avec d'autres êtres humains, parfois sans que j'arrive à en identifier les raisons.

Y'a des fois où c'est un mélange de peur et d'énervement, et où la cause de la crise est facilement identifiable, comme il y a deux semaines quand je me suis fait contrôler par la douane (où j'ai réussi à me contrôler en faisant genre "je vous raconte ma vie en m'appuyant sur un siège pour ne pas tomber parce que je ne maitrise plus mes jambes", mais ça m'a super gavé d'avoir fait ami-ami avec des douaniers qui m'ont contrôlé à cause de ma tronche), puis deux jours après par les flics devant une gare, où là je n'ai pas du tout réussi à me contrôler, ce qui les a amenés à me suspecter d'avoir quelque chose à me "reprocher", et à me balancer des trucs méga paternalistes à la gueule ("on est là pour vous protéger", "vous devriez prendre un traitement", "vous savez, vous êtes responsable de votre anxiété, c'est pas la faute des autres, vous donnez une mauvaise image de vous même" (!!!!)).
Parfois par contre je ne sais pas d'où ça vient, c'est dans des moments ou par exemple il y a un groupe de potes autour de moi, et si j'essaie de parler, et ben je commence à trembler. Je ne sais pas pourquoi. Je ne sais pas si ça se voit. Et ça me gave. Du coup ben dans ces cas là, je ne parle plus, j'attends, j'ai envie de me cacher.

Je ne sais plus trop quoi faire pour lutter contre ça. C'est vraiment chiant, et ça m'empêche de faire des choses, de flipper constamment, quand je suis face à d'autres personnes, de penser que je risque d'être amené à prendre la parole. Par exemple dans un réunion ou en cours, si y'a un tour de table qui commence, je panique, je commence à trembler, j'arrive pas à écouter ce que disent les autres et quand c'est à mon tour j'expédie le truc le plus vite possible, en cachant mes mains, en essayant de contrôler mes tremblements de nuque et en retenant mes larmes selon le degré de gravité de la crise.

Je me suis retrouvé dans des contextes, il y a quelques temps maintenant, où comme c'était plus tenable pour moi d'être constamment silencieux, frustré de ne jamais arriver à parler, et flippé qu'on me pose une question, où j'avais finalement verbalisé tout ça, en expliquant que c'était beaucoup trop anxiogène pour moi. Je crois que j'étais "complexé" par l'image que je pouvais renvoyer, d'une personne qui n'avait jamais d'avis sur rien, qui s'en foutait un peu de tout, qui ne prenait jamais position et qui était toujours dans son coin à tirer la tronche ou à sourire niaisement selon des moments.
Parfois je me fais des blagues, comme par exemple de me dire "tiens, je pourrais faire une intervention dans le cadre du mois de mars de ma ville, devant plein de gens que je connais même pas, qu'est-ce qu'on va se marrer". Hahaha. Ben voilà, après j'ai plus trop le choix, et ça en rajoute une couche, parce que, pour une raison un peu inexplicable, je me sens obligé d'aller faire ce genre de trucs.

Je crois que les fois où je suis particulièrement sujet aux crises de tremblements, c'est quand je me retrouve à parler de ma transition. Par exemples les situations où je dois "m'outer", ça peut donner des choses ingérables. Ou des moments où je dois me "justifier". Ou raconter oralement un comportement transphobe dont j'ai été victime. Là c'est plutôt de l'énervement, et le fait de n'avoir eu aucun contrôle sur une situation vraiment désagréable, humiliante et violente. Pourtant ça me manque vraiment de ne pas pouvoir parler de ce genre de situations. J'en parle surtout sur le net, ou rarement avec d'autres personnes, encore plus rarement avec mes potes de luttes. J'y arrive pas. Pourtant ça me ferait du bien. Sinon ben ça se passe généralement comme ça: un truc transphobe m'arrive - je rentre chez moi raconter ce qui m'est arrivé - je vais râler sur internet - je rumine pendant des semaines.
Ça me manque de ne pas avoir de groupe de potes trans, de lieux où rencontrer d'autres trans, de groupes d'entraide, des soutien. C'est valable pour le partage de ressenti, parce que plus ça va plus ça me gave de n'avoir cette possibilité de partage que très ponctuellement, mais aussi pour organiser des actions par exemple. Je suis toujours un peu le seul trans dans les sphères politisées dans lesquelles je me promène, ou alors rarement on est deux, grand max. J'ai pas envie d'avoir cette place de "référent trans", parce que je ne suis pas représentatif de quoi que ce soit, et parce que personne n'est légitime pour ça je pense. En même temps si je n'essaie pas de combler les vides sidéraux autour des thématiques trans dans les milieux militants près de chez moi, ben je me sens aussi coupable, et j'ai pas envie que des cis le fassent seul-e-s. Et quand y'a une demande de la part de cis, qui n'ont pas envie de parler à la place des trans, ben je trouve ça très bien, donc j'y vais quand même.

Bref, j'ai l'impression de m'engluer petit à petit dans mes angoisses.
A côté de ça, je suis vraiment énervé et triste que tant de personnes se soient bougées pour le mariage et de penser que pour les trans, bah j'ai l'impression qu'y'aura de toute façon jamais que des miettes, y'a pas de temps à consacrer à ça et y'a toujours plus important que d'aller à une action contre la transphobie (par exemple, à Rennes, plus de 2000 personnes à la manif pour le mariage, 20 personnes au TDoR \o/ et 12 personnes qui prévoient pour le moment de venir au rassemblement de samedi, sensé ouvrir sur d'autres revendications, dont essentiellement des revendications trans. Je sais, c'est pas les mêmes réseaux -mais la faute à qui? aux personnes qui galèrent pour faire connaître leur événement ou aux grosses assos "LGBT" qui connaissent très bien l'événement mais qui refusent consciemment de le relayer voire organisent autre chose au même moment pour le squeaser?-, quand les gens sont directement concernés ils viennent d'avantage, quand une lutte vient d'être remportée (toutes proportions gardées...), les gens sont plus occupés à envoyer des bouquets de fleurs à des ministres qu'à savoir comment s'en sortent les autres minorités, etc...).

Bon et sinon je suis aussi vachement angoissé à l'idée de retourner en cours, de devoir cotoyer des hétér@s cis toute la journée, en tant que semi-planqué que je suis après avoir pu ne pas fréquenter trop d'hétér@s ces deux derniers mois (à part des médecins un peu trop fréquemment, m'enfin...). Bon, j'ai pas pu trop me préserver de la fréquentation de cis-land hein, parce que c'est un peu complexe à éviter ne serait-ce que quelques heures, et parfois pfiou, qu'est-ce que j'aimerais pouvoir m'épargner ça...

4 commentaires:

  1. Même si je ne suis pas à ta place et ne doit pas ressentir exactement les mêmes choses, je te conseille de voir d'abord un médecin pour prendre un peu de repos, faire un break. Puis te recentrer sur tes proches, commencer à passer du temps avec une ou deux personnes que tu apprécies, d'abord chez toi, puis ensuite à l'extérieur, mais toujours tout doucement, sans te forcer. Prends soin de toi, fais toi plaisir. Ne fais rien dont tu n'aurais pas envie, ne laisses pas les autres te forcer. Essaies de passer de bons petits moment, prends l'air et vois tes amis, petit à petit. Je sais bien qu'il y a un contexte majeur, mais c'est comme ça que j'ai réussi à m'en sortir et que j'ai remonté du fond, car comme toi j'avais des crises d'angoisse incontrôlables et injustifiées. j'espère que tu iras mieux. gros bisous du Nord. Bleeken

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  2. Bleeken est de bon conseil.
    Je retrouve pas mal de propos que mes patients peuvent tenir dans ton texte (hormis la "problématique" trans bien sur). Je ne veux pas te coller l'étiquette de "malade" sur la tronche, loin de là. Je veux simplement rejoindre Bleeken lorsqu'il/elle parle d'aller voir un doc. Car tu vas frôler le pétage de cable sévère à ce rythme =/
    Je te conseillerai même plus unE psychogue qui pourra t'apprendre des techniques pour diminuer le stresse et aussi travailler avec toi sur l'origine de ce stress fou.

    Après si tu refuses/tu n'aimes pas/ tu n'oses pas aller voir un professionnel de santé pour te filer un coup de pouce, il existe des techniques de relaxation qui peuvent aider lors d'expériences anxiogènes.

    Et après, comme l'a si bien dit Bleeken, prends ton temps. Fixe toi de petits objectifs et un à la fois. Pas genre : réussir à chanter et danser tel Justin bieber, le tout devant une assemblée de folie. Non, plutôt du style : "lors du prochain cours, je prends la parole une fois, même si c'est qu'une seule fois et même si celle-ci ne m'est pas demandée". Il est important de viser des choses accessibles au départ, puis de plus en plus difficiles.

    De toutes manières, je pense qu'on est tous en proie à des violents moments de stress quand on se retrouve face à des connards ou des curieux concernant notre transidentité. C'est normal. Reste à réussir à les gérer. Et là c'est plus galère, c'est vrai.

    En tout cas, après tout mon blabla, je retiens une chose de ton texte : malgré ton angoisse folle face à la prise de parole, tu persistes à mener des projets qui te tiennent à coeur ou te battre pour des causes qui te sont chères. C'comme les gens qui donnent leur sang alors qu'ils ont la phobie des aiguilles et qui s'évanouissent à chaque don. Moi je dis : chapeau!

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  3. Merci à touTEs les deux pour vos commentaires.
    En fait j'ai vu un psychiatre l'année dernière (j'étais au CMP, on m'a envoyé chez un psychiatre, j'avais plutôt demandé un psychologue). Ça se passait plutôt bien avec lui mais il voyait pas trop quoi faire à part me filer des médocs, et comme j'en voulais pas il m'a proposé de voir une comportementaliste parce qu'il avait peur de ne pas pouvoir m'aider. Elle était sympa aussi, mais l'idée de faire des jeux de rôle ou des trucs dans le style me faisait très peur, elle l'a capté donc on a reculé le plus possible ce moment là et puis finalement elle est partie en congés maternité sans me prévenir (oui bon, j'aurais au moins pu capter qu'elle était en cloque, mais vu qu'elle était toujours derrière son bureau ça m'a pas sauté aux yeux ^^) et m'a refilé à sa remplaçante avec qui ça passait pas, parce qu'elle utilisait pas les termes que j'utilise pour parler du fait que je sois trans, donc ça m'énervait, mais surtout un jour elle s'est planté et m'a parlé au féminin, et puis après elle était super génée, mais a essayé de s'en servir pour me démontrer que j'étais pas assez cash avec les gens, que je devais dire ce que je ressentais dans ces cas là blabla, et ça m'a soulé qu'elle essaie de retourner ça à son avantage (genre "ça illustre très bien ce que je vous disais, au fond ça tombait bien gnagna") et je ne suis pas retourné la voir.
    En fait là j'en suis à un certain nombre de psys, et à part celui qui était lui même trans, j'ai pas eu l'impression qu'illes captaient ce que je leur racontais par rapport à comment je trouvais la société violente et que j'avais du mal à m'y adapter ne serait-ce que de temps en temps. Et celui qui était trans, bah il est trop loin pour que j'aille le voir.

    Je pense vraiment qu'avec des groupes de parole récurrents entre trans j'arriverais à extérioriser plus de trucs qu'avec unE psy... 'fin je pense à un atelier d'auto-défense non-mixte trans où on avait pas mal discuté, et qui m'avait fait vachement de bien. Mais comme je disais, c'est ponctuel et ça me gave.

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  4. Yo. Ton article m'a trop parlé, notamment par rapport aux angoisses. Je suis une grosse stressée de la vie, et comme toi, j'ai des crises de tremblement, ce qui est quand même super relou à gérer, surtout quand y'a aucune raison, que tu es avec tes potes tranquillou et que tu ne subis aucune pression (différent d'un contexte scolaire, où perso je sais pourquoi je suis mal dans une salle de cours). Bref, là j'ai repris les cours y'a peu et je suis très volontaire, je participe régulièrement, mais y'a quelques jours le prof a envoyé quelqu'un au tableau et depuis je stresse d'y retourner, car là, pas moyen de cacher son stress... J'suis allée voir des psychologues, des psychiatres, des infirmières psy, bon, pour ça et d'autres choses, mais tout ce que j'en ai retenu, c'est quelques exercices de relaxation cool, que je peux partager si ça t'intéresse. Sinon, chapeau bas pour ton blog, c'est bien écrit et intéressant.
    Impatiente de te lire de nouveau.
    J.

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